vendredi, 19 of avril of 2024

Louise Weiss, une alsacienne au coeur de l’Europe

Couverture du livre "Louise Weiss"A livre ouvert


Les flèches d’une « sans signature »


Une biographie1, un kaléidoscope.

Tenez bien en mains le tube aux miroirs, car l’allure, aux sept entrées, suit les pas d’une femme intrépide : Louise Weiss.

Michel Loetscher nous (a)dresse un mouvement, embrassant les complexités si singulières d’une femme mêlée à celles d’une histoire collective…européenne, mondiale, sans mélancolies. Adieu tristesse !

Le regard ne s’y perd pas, il s’y réveille.

Seuls les pas fermes et prompts de Louise lui dérobèrent sa féminité (règne de lenteur). Une cadence fut sa tache aveugle, son « regret » d’un Amour non-advenu (romances, il y aura eues). L’amour s’accomplira du politique, d’un « Ose savoir! »2.

Aux origines…, qu’elle fût alsacienne, et qu’elle y revînt aux toutes fins, fleurit en belle saison une rose jaune à Saverne3.

Aux origines, point d’hymne national4 ! Les murs n’ont qu’à bien se tenir, Louise y creusera des portes, des fenêtres, sciera quelques barreaux si il le faut. Car, de cette dame, retenons déjà la vraie proposition, insistante, géographique : rompre les frontières pour l’Homme, seule promesse d’une citoyenneté libre, « avec âme » et paix.

Les pages égrènent les détails des cristaux et serpents qui s’entrechoquent : bascules, ruptures, achoppements….ils dessinent les forces et ses rapports qui forment l’Histoire : hasards, rencontres, salons, carnet d’adresses, décisions….folles. Une plume journalistique s’en emparera (et se rêvera littéraire), explorera les mondes, sera témoin des confins en images seconde, un cinéma.

Faire oeuvre et si possible belle.

La beauté, clé du biographe, qui du verbe écrit à sa fidélité aux Mémoires d’une européenne, allie les brefs enchantements aux faits extraordinaires.5

Voilà, Louise est drapée dans son temps et s’emploie à en examiner les plis sous un mot heureux « nouvelle » : 1918, elle crée L’Europe nouvelle6, revue audacieuse qui fera autorité auprès …des autorités internationales jusqu’en 34 ; par le Petit Parisien, elle devient première femme grand reporter, elle se mêlera aux peuples ; 1934, elle anticipe La Femme nouvelle (suffragettes et poudre de riz, acquis 1946), puis, et puis une nouvelle espérée (toujours en bourgeon) la paix, par l’invention de l’Ecole de la Paix, etc7.

Désirs d’uchronie, elle souhaite déloger l’Histoire de ses fatalités, stratège, elle convie quelques mots de Victor Hugo : créons les « Etats-Unis d’Europe »8. Il n’en sera rien. Une saignée « politique » (« la « modernité » des fascismes »9) aura raison des nouvelles.

Fin d’un miroir, pivotons l’outil.

Louise Weiss continue sa soif de combats et de réussites contre tous les déterminismes imposés par les lois10, par l’anatomie. Elle espère façonner cette non-matière du symbolique par sa volonté de lionne …

Dernier regard pour le peuple : l’homo europeanus11 ne fut pas convié à la construction des « Etats-Unis d’Europe »12. L’institution européenne, née d’idées mortes avec leurs auteurs13, n’en a adopté que la vitrine :  « L’Europe, elle se sait une âme. Or, elle ne parle que serpents, cochons et vinasse. Le serpent est monétaire. Les cochons sont bouffis de maïs et de betteraves compensés. Sa vinasse est frelatée. »14

Michel Loetscher, avec brio et riches documentations, nous invite à être voyant.

Une lettre, plus encore qu’une biographie, qui mise en souffrance oblitérerait un espace d’horizons-réflexions.

Texte au présent clôt par le « Discours d’ouverture du Premier Parlement européen élu au suffrage universel »15 , Louise Weiss tend une dernière fois son arc et décoche : «  Le mensonge ne porte aucun fruit. ».

Révérences…

Corinne Brochot


1Michel Loetscher, Louise Weiss [Une alsacienne au coeur de l’Europe], Éditions Place Stanislas, 2009.

2Ibid. p.110

3 Saverne est la ville légataire universelle de L.Weiss, une rose porte son nom.

4 enfin, presque…

5 Louise Weiss connut tant de personnalités qu’il faut le lire pour y croire.

6« […] création d’un journal susceptible de participer à la création d’une conscience européenne. »ibid. p.28.

7 Chair de polémologie à la faculté des sciences humaines de Strasbourg, 1971 ; Institut des sciences de la paix, fondation Louise-Weiss.

8Ibid. p.133

9Ibid. p.124

10« Les atrocités de l’univers concentrationnaire avaient été commises au nom d’un droit – un autre droit, comportant les lois raciales, dites de Nüremberg. », ibid. p.86.

11« en 1507 […] « L’homo europeanus existait alors. Il déambulait sans passeport de l’un de nos hauts lieux à l’autre. » », ibid. p.153.

12« Nous avons fait l’Europe, mais le peuple européen n’existe pas. », B. Geremek, ibid. p.153.

13Aristide Briand, Jean Monnet, Robert Schuman.

14 extrait de ses Mémoires, 1976, ibid. p. 149

15 Strasbourg, le 17 juillet 1979 .

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publié le 06/02/2010


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