Crise du logement, crise de société
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Toujours d’actualité, ce livre ne va pas jusqu’à remettre en question la propriété privée et proposer la propriété d’usage que les distributistes apprécient. Mais il est essentiel pour comprendre l’actuelle crise du logement et son extension aux classes moyennes.
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Plus d’un demi-siècle après le vibrant appel de l’abbé Pierre (1954), se loger… demeure un luxe en République française !
Pourtant, constatent Didier Vanoni (directeur de FORS-Recherche sociale) et Christophe Robert (directeur des études à la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés), au lendemain de l’appel à « l’insurrection de la bonté » du fondateur d’Emmaüs, les pouvoirs publics impulsèrent un « mouvement de production industrielle de logements à la hauteur de la pénurie que connaissait le pays » – dont une loi-cadre de 1957 créant des zones à urbaniser en priorité. Au seuil des années 60, « la barre des 300 000 logements produits a été franchie ».
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Mais en 1977, une « rupture » meurtrière intervenue dans la philosophie générale de l’intervention publique conduit à près de trois décennies…d’insuffisance de la construction – et de déconstruction du système d’accession au logement ! Depuis cette année-là, le nombre de ménages qui se présentent sur « le marché immobilier » est supérieur au nombre de logements disponibles.
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Depuis, l’humanité semblait entrée dans un nouvel âge de pierre- « libéralisation » et « déréglementation » du marché immobilier » obligent… Pendant une décennie (1998-2008) de flambée interrompue où le prix des « actifs immobiliers » s’envolait quatre fois plus vite que le pouvoir d’achat des ménages, le droit au logement (présenté par la loi du 31 mai 1990 comme un « devoir de solidarité pour l’ensemble de la Nation ») se fit injonction à la « propriété » voire à la « défiscalisation » … Miracle de l’alchimie phynancière à base de « défiscalisation » et autre « titrisation » : la pierre ne touchait plus terre ! Pourtant, tout « investisseur » le sait : « les arbres ne montent pas jusqu’au ciel » et la pierre, pas davantage que les cloches, n’a d’ailes !
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Pourtant, jamais on n’avait autant construit – mais les 430 000 mises en chantier comptabilisées en 2007 ne suffisent pas à satisfaire la demande. La France manquerait de près d’un million de logements, dans un contexte de pénurie d’offre accessible et d’insécurité sociale. C’est tout le paradoxe de l’actuelle crise du logement : elle prospère dans un contexte de dynamisme du secteur immobilier. Il en résulte tout à la fois une envolée des prix, une explosion du nombre de « mal-logés » et du volume des transactions face à une offre pléthorique mais inadaptée en termes de prix…
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Michel Loetscher
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Didier Vanoni et Christophe Robert, Logement et cohésion sociale, Le mal-logement au cœur des inégalités, La Découverte, 240 p., 25 €
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publié dans le n°3 d’avril 2010, mis en ligne le 25/11/2011
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