lundi, 4 of novembre of 2024

La propriété d’usage au Canada

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Cette expérience pourrait faire sourire certains occidentaux par ses côtés exotiques et anecdotiques. En fait, son importance est double : non seulement elle témoigne que la propriété d’usage existe aujourd’hui sur la Terre, mais en plus elle montre que le bon sens peut ressurgir même après plusieurs siècles d’avarice et de repli sur soi véhiculés par le modèle occidental.

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Avant de rencontrer les Occidentaux, la majorité des tribus amérindiennes étaient nomades. Chacune avait son type d’habitationde tente ou de cabanemais se déplaçait constamment suivant des cycles migratoires adaptés à ceux des animaux qu’ils chassaient ou pêchaient. Cela constituait comme des circuits à travers le territoire, au cours desquels certaines tribus se croisaient. Toutes laissaient des traces, que ce soit un simple signe de leur passage ou des matériaux de construction, peu pratiques à transporter, mais qui pourraient être utiles au prochain passage, voire à d’autres. La confiance étaient de mise, on respectait les biens que l’on utilisait. La propriété n’était ni privée, ni collective, mais d’usage.

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Ce mode de vie s’est peu à peu perdu depuis l’arrivée des colons, qui ont incité les Amérindiens à se sédentariser, à se construire des maisons et à cultiver la terre. Pourtant, aujourd’hui, les anciennes traditions resurgissent, à mesure qu’ils récupèrent, avec l’appui des gouvernements, leur droit ancestral à pratiquer la chasse et la pêche sur de vastes territoires. Ils conservent un point d’attache principal mais sont amenés à construire des abris au besoin. N’imaginez pas des tipis : il s’agit le plus souvent de cabanes de fortune construites avec des matériaux récupérés ou trouvés sur place, qui disposent tout de même du fameux toit en pente servant à éviter une trop grande accumulation de neige.

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On peut les trouver à des endroits complètement isolés de la civilisation, à des centaines de kilomètres de la dernière route, accessibles seulement en canoë ou en hydravion. Il est fort possible que ces abris aient été construits en été, dans un premier temps, avec seulement trois murs et un toit. Puis qu’un occupant suivant, à l’automne, aura ajouté un mur et une porte. L’un après l’autre, des éléments sont ajoutés ou soustraits, dans une vision qui veut que tout appartienne à la fois à personne et à tout ceux qui en ont besoin. Chaque occupant successif laisse ou emprunte un petit quelque chose, et grave son nom sur les poutres de bois.

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Roseline Crowley

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publié dans le n°3 d’avril 2010, mis en ligne le 25/11/2011


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